Extra Missa de Peter Schindler

Dernières Nouvelles d'Alsace, 02.08.2001

Le Kleebach à Munster a la particularité d'offrir, en plus de sa fonction statutaire, un lieu de présentation d'oeuvres musicales toujours renouvelées sans risque de déception. Nouvelle illustration avec le "Missa" de Peter Schindler pour choeur, clavier, saxophone et batterie sous la direction de Jochen Woll et son excellent Junger Kammerchor Baden Württemberg.

La conjonction de Kyrie, Bénédictus, Gloria etc ... avec un trio de jazz standard piano-sax-batterie pourrait se positionner en provocation, voire tentative expérimentale ou exercice de style appliqué. Cette analyse pourrait se concevoir s'il n'y avait pas tant du côté des instrumentistes que du choeur des bases solides et une cohésion d'interprétation. Mais, outre le métier déjà confirmé de la formation d'outre-Rhin, le séminaire de travail résidentiel encore effectué au Kleebach expliquera si besoin en était l'étonnement et le plaisir de découvrir une oeuvre riche et dense excellemment proposée. On est aux antipodes d'une manifestation histrionique de gospels agités proche de la transe. Ici, tout se joue et se sublime dans une approche littérale , proche du texte et génératrice d'émotion.

Bill Evans, Stan Getz, The Duke rodent parfois mais aussi, et plus paradoxalement, des atmosphères de Debussy, Ravel et même une touche d'exotisme orientaliste. C'est dense, soutenu, sans temps mort avec une ligne rythmique permanente de Markus Faller omniprésent, des chorus de Peter Lehel au sax ténor illustrant subltilement le timbre de son instrument face à un choeur de voix épaté et des envolées volubiles au sax soprano. Paradoxalement, le pianiste Peter Schindler se tient en retrait alors qu'il est l'auteur de l'oeuvre. Il eut été tentant de se réserver quelques mesures de bravoures, mais Peter Schindler préfère, et on lui en est gré, se mettre au service de l'esprit du choeur. Et le résultat ne se fait pas attendre. Tout est en crescendo à la fois de l'illustration des styles et dans la progression dramatique jusqu'au subtil Bénédictus quasi final qui ne souffre d'aucune retenue, à moins d'être de la plus basse mauvaise foi et mesquinerie stupide. A l'applaudimètre, aucun doute, c'est superbement imaginé et interprété. A redécouvrir de toute urgence.